Le suricate aux aguets

Vous reprendrez bien un peu de Poutine ?

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Le 18 mars 2018, Vladimir Poutine remporte, sans grande surprise, les élections présidentielles russes avec près de 77% des voix.

Si le pronostic penchait d’avance pour celui qui contrôle le pouvoir au Kremlin depuis plus de 18 ans, on a pu observer dans les media des manifestations de la part de quelques citoyens russes contre Poutine. Mais était-il envisageable de voir une autre figure au pouvoir en Russie ? Comment ces élections contribuent à renforcer le pouvoir du président de la Fédération russe ? Peut-on réellement parler de démocratie ?

Il faut savoir que depuis 2000, Vladimir Poutine est à la tête de la Russie, en ayant réussi à contourner la règle du « Pas plus de deux mandats consécutifs ». La technique ? Réussir à faire élire président un proche, Dmitry Medvedev,  qui vous désigne premier ministre le temps d’un mandat, avant de reprendre son siège de président. Plutôt habile.

Après tant d’années, la population a placé sa confiance dans Vladimir Poutine. Quel est l’intérêt d’organiser des élections, dont on connait d’avance le résultat ? L’objectif est simple : renforcer et crédibiliser le pouvoir en place. Si le président Poutine obtient 70% des voix, et que 70% de la population vote, sa présidence est légitime.

Pour maximiser les chances de réussite, mieux vaut ne pas avoir de candidats trop puissants sur le podium. Le processus de candidature pour les élections présidentielles est laborieux pour ceux qui osent s’y piquer ; suite aux accusations de fraudes (bourrage d’urnes) lors des élections de 2012, Medvedev et Poutine ont modifié le code électoral, abaissant le nombre de signatures de citoyens nécessaires à 300 000 (contre 1 000 000 avant, ce qui est censé simplifier l’accès à la candidature). Il y a cependant des conditions : les signatures doivent provenir des 86 régions de Russie, sans que plus de 50 000 d’entre elles proviennent d’une seule région. Ceci demande beaucoup de temps et d’argent.

Pour le scrutin 2018, à ce stade-là, 27 candidats sur 60 ont déjà échoué. Ensuite, la commission électorale doit contrôler la validité de la candidature. Les conditions sont strictes : 17 candidatures sont ainsi invalidées. Parmi les recalés, on compte notamment Alexei Navalny, militant anti-corruption très médiatisé, figure des manifestations contre Poutine. Il ne reste à ce moment que des candidats qui, couvrant un large spectre politique mais avec de faibles pourcentages, sont inoffensifs face à V.Poutine.

Dernier aspect de la stratégie électoral : Poutine est un candidat « absent ». Il envoie ses lieutenants sur les plateaux télévisés pour les débats par exemple. Le jour du débat opposant tous les candidats, Poutine était face à la Douma, chambre basse du Parlement russe, pour son discours annuel, plutôt que face à ses « opposants ».

En encourageant les petits candidats, en mettant en scène des débats politiques animés, l’illusion d’une élection démocratique est belle et bien présente. De son côté, V.Poutine ne propose pas grand-chose de neuf à ses électeurs : les thèmes de la Défense et de l’International sont à l’ordre du jour.

Pour crédibiliser pleinement le président sortant, le taux de participation est important. Plus les gens sont « nombreux » à désigner leur futur président, plus forte sera l’assise de son pouvoir. Des témoignages d’électeurs soumis au chantage ou diverses pressions pour les inciter à voter circulent sur les réseaux sociaux. Une salariée a été menacée d’être renvoyée par son employeur si elle ne se rendait pas aux urnes ; un système de trocs de poulets a été mis en place (un vote = un poulet)… Tout est bon !

Avec près de 80% des voix, l’objectif de Vladimir Poutine est atteint. Par rapport aux élections de 2012, le nombre de fraudes serait apparemment plus faible. Cependant, l’ONG Golos a répertorié près de 2 700 irrégularités sur le pays, telles que des bourrages d’urnes, votes multiples etc. La voix du peuple est exprimée et a confirmé, renforcé le pouvoir de Poutine pour son dernier mandat.

C.Hanssieux

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